Le 26 janvier 2019 restera gravé dans les mémoires collectives du Cameroun comme un jour de tension, d’espoir et malheureusement, de douleur. Lorsque Maurice Kamto, figure de l’opposition et leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), a lancé son appel à manifester, ce n’était pas un simple rassemblement politique. C’était le point de convergence de frustrations profondes, d’un désir ardent de changement et, surtout, d’un engagement massif de la jeunesse camerounaise.
« Le 26 janvier 2019, nous lancerons les marches que j’ai annoncées… nous allons sortir, nous allons marcher pacifiquement, dans la paix, sans armes. Mais pour dire non ! » Ces mots de Maurice Kamto résonnaient bien au-delà de son parti. Ils trouvaient un écho particulier dans le cœur de milliers de jeunes, confrontés au chômage, à la précarité et à un sentiment d’injustice grandissant.
Dans les rues de Douala, Yaoundé, Bafoussam, Mbouda et Dschang, une foule de jeunes s’est mobilisée le 26 janvier 2019. Beaucoup n’avaient pas de carte de parti, mais un désir profond de changement. Pour eux, ce n’était pas juste une question de soutenir un candidat ; c’était un cri du cœur face à une gouvernance jugée défaillante. La contestation des élections n’était qu’une partie du problème, qui incluait aussi la crise anglophone, la corruption et le manque de perspectives d’avenir. Ces jeunes, souvent sans emploi malgré leurs diplômes, ont vu dans ces marches une chance de se faire entendre, de réclamer leur place et une part plus juste des richesses du pays. C’était leur façon d’exprimer leur frustration et leur rêve d’un Cameroun meilleur.
Malheureusement, cette intention pacifique a vite été balayée par une répression brutale. Les forces de l’ordre, massivement déployées, n’ont pas hésité à utiliser la force pour disperser les manifestants. Ce qui devait être des « marches blanches » s’est transformé en scènes de chaos et de violence, laissant derrière elles un lourd bilan humain.
Les conséquences ont été immédiates et douloureuses. Des dizaines de personnes ont été blessées, parfois gravement par balle. Au-delà des visages connus, de nombreux jeunes anonymes ont souffert de blessures, certaines les laissant handicapés. On a même vu des passants innocents touchés par des « balles perdues », comme des moto-taximen ou des piétons, preuve de la dangerosité de la situation. Et pour ceux qui ont eu moins de chance, ce fut la prison.
En effet, la répression ne s’est pas limitée aux blessures physiques ; il y a eu des vagues d’arrestations massives. Cent dix-sept personnes, principalement des jeunes, des étudiants, des citoyens ordinaires, ont été arrêtées et placées en garde à vue pour « perturbation de l’ordre public ». Des familles entières ont été plongées dans l’angoisse de savoir leurs enfants derrière les barreaux, souvent sans vraiment comprendre pourquoi. Cette force brutale, avec l’usage de gaz lacrymogènes et même de tirs réels, a instauré un climat de peur palpable et laissé une amertume profonde dans l’esprit de beaucoup.
Une Jeunesse Traumatisée
Au-delà des plaies visibles, les manifestations du 26 janvier 2019 ont laissé des séquelles plus profondes sur la jeunesse camerounaise,marquant fortement la jeunesse, ils ont laissé des cicatrices psychologiquesindélébiles et ont changé la façon dont les jeunes voient la participation citoyenne.
Pour beaucoup, l’expérience de la violence et de l’arrestation a laissé des marques profondes. L’idée de manifester, de faire entendre leur voix, est désormais associée à la peur et à l’anxiété. Ils ne font plus confiance aux institutions et ont le sentiment que leurs actions ne servent à rien.
En fait, le choc de voir des manifestations pacifiques dégénérer en affrontements brutaux a brisé une part de leur espoir. Pour cette génération qui rêve de démocratie et de liberté, la triste réalité est que prendre la parole peut coûter cher, très cher. Et pour ceux qui, par exemple, ont réussi à s’échapper de justesse des forces de l’ordre après avoir été pris, comme on l’a vu parfois les 26 et 28 mai, la paix de l’esprit est perdue. Ils vivront avec la peur constante d’être retrouvés, condamnés à une vie d’errance.
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