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LE MAITRE : DANIEL DUMBE EYANGO

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PAR DR CHARLES ADALBERT MANGA EBONGUE

Daniel DUMBE EYANGO, le vénérable patriarche que tout le monde appelle avec affection  « Pa’a Muledi » (maître en langue duala), ou encore « Pa’a D. »,  est décédé à son domicile à Akwa à Douala à l’âge de 92 ans.

 

Pendant 70 ans, ce virtuose berce ses concitoyens avec ses cantiques composés et chantés en français, en allemand, en latin, en anglais et en langue duala. Des musiciens confirmés comme Paul LEMBE MBAPE, Abel NEN, Francis BEBEY, Manu DIBANGO et Francis KINGE ont fait leurs gammes à son école. Car bien évidemment, il faut chérir les talents d’autrui pour en avoir soi-même.

 

Daniel DUMBE EYANGO est né le 24 avril 1914 à Bon’Ejang Akwa Douala. Très vite, il s’initie à la pratique de la musique avec son inséparable instrument, le violon. C’est en France qu’il obtient sa capacité en droit puis devient comptable. En parallèle, il suit des études musicales au conservatoire de Marseille. Pa’a D devient fonctionnaire. Très doué en musique, l’homme joue aussi au piano, au saxophone, à la clarinette et à la guitare. Il est très vite attiré par le gospel. Moderne et attaché à la culture Sawa, Daniel DUMBE EYANGO s’illustre avec son talent de compositeur et à travers les chorales qu’il dirige.

 

La musique lui réussit à travers la composition de plusieurs chansons dont les plus célèbres restent : « Africa Ombwa » en 1994 en l’honneur de Nelson Mandela, « Bepuma ba mudi », « A wa tumba la Loba », « Musin’a su a bi munja », etc. Il est aussi l’auteur en 1967 du célèbre hymne à la jeunesse, « la voix de la nation » (depuis les hauteurs du Manengouba).

 

 

ENGINGILA YE !!! EWESE !!!

Après l’arrivée en 1845 du missionnaire Alfred SAKER, la formation de groupes de chorales de jeunes protestants est à la mode. Les jeunes hommes ainsi formés musicalement pour un bon nombre, contribuent à l’enseignement de leurs propres compositions. Mais, ils agissent en rangs dispersés chacun dans son église locale et communautaire. C’est dans le but d’unifier ces forces dispersées que DUMBE EYANGO créé la chorale MEY : « Makom m’Esesa Yehova » en 1940. Ensuite, Pa’a Muledi devient directeur technique la chorale d’Hommes Duala-Duala à Akwa vers les années 1946.


Parce que
sa passion pour le chant ne se limite pas à la composition, Pa’a D est à l’origine de la fondation de plusieurs groupes. Parmi eux :

  • Elong’a Belongi de l’Église Évangélique du Cameroun (E.E.C) en 1932,
  • Makom m’Esesa Yehova (MEY) en 1940,
  • la grande chorale 101 de Yaoundé en 1957, qui représentera le Cameroun au premier festival des arts nègres à Dakar au Sénégal en 1966.
  • la chorale SANKI en 1975,
  • et la dernière-née, le SONA Club en 1980.

 

Il est aussi à l’origine de la fondation de la Fédération des chorales mixtes du Cameroun. Daniel DUMBE EYANGO dirige :

  • DUBE LA MBALE (Chorale des Femmes à Douala) ;
  • La chorale d’Hommes de Nkongsamba en 1966 ;
  • LES TRIPLES à Yaoundé en 1972 une expérience qui regroupait trois groupes de sensibilités différentes (le Chœur MEY, Les Bérets Verts de la garde Républicaine et la Chorale 101)
  • Une chorale mixte à Paris lors d’un séjour médical ;
  • BANA BA KORA à Yaoundé ;

 

De Daniel DUMBE EYANGO, nous retiendrons :

  • son ardeur au travail,
  • son sens du perfectionnisme,
  • son dévouement à servir,
  • sa passion pour le travail bien fait.

Auteur-compositeur de talent, le maître laisse une progéniture de 10 enfants et de multiples orphelins dans les milieux musicaux et religieux.

Considéré à juste titre comme une bibliothèque, ce virtuose laisse, en effet, d’inestimables œuvres à la postérité.

 

Les adieux de son ami, Anatole EBONGO

Le miracle Daniel DUMBE EYANGO aura été le fait d’avoir une carrière artistique dont la courbe est restée ascendante jusqu’à sa mort.

 

Ses deux dernières cantates « le jardin de Yahvé » et « la montagne de chez nous », profondément révélatrices de l’âme de croyant et d’humaniste de l’homme, en sont des preuves éclatantes.

Il s’agit de deux œuvres majeures profondément interpellatrices. La première, « le jardin de Yahvé » appelle tout simplement l’Israël contemporain à plus de retenue et à compter d’avantage sur les prophéties d’Esaï et d’Ezekiel. A travers ces prophéties, Dieu a déjà assuré à ce peuple trois mille ans de survie au milieu d’une inimitié pratiquement générale.

Quant à la seconde cantate assez récente, « la montagne de chez nous », elle puise sa pensée dans la vie même du fleuve qui donna son nom à notre pays le Cameroun. Et, à la montagne qui en est le panneau de signalisation : le « Rio Dos Camaroes », fleuve qui vit au rythme de la marée. Une marée qui monte et qui descend. Ce qui est une invitation toute naturelle à l’alternance du pouvoir. Une alternance qui en fait plutôt la force.

A elles seules, ces deux cantates feraient de leur auteur un artiste engagé.

 

La vie de Daniel DUMBE EYANGO nous engage dans une profonde réflexion. Son œuvre immense en quantité ne peut l’être qu’autant en qualité pour peu que l’intelligentsia africaine et d’abord camerounaise, et d’abord Sawa, prenne conscience de ses responsabilités et s’engage à faire des recherches dans tous les domaines (sous forme de mémoires, essais, thèses), en puisant dans le précieux patrimoine que Daniel DUMBE EYANGO lègue généreusement aux générations présentes et futures. Les domaines de réflexions ne manquent pas pour les étudiants, les chercheurs et les professeurs (poésie, linguistique, pédagogie, sociologie, morale, psychologie, tradition et même théologie…).

 

Mais Daniel DUMBE EYANGO reste et demeure devant l’histoire un grand, sinon le plus grand compositeur de musique camerounaise et l’essentiel de son œuvre étant la musique sacrée. Il aura plus que quiconque, fait œuvre d’évangélisation dans ce pays.

 

Mais comme le souvenir est faible et fragile, la mémoire volatile et oublieuse, combien de temps dureront la mémoire et les souvenirs de ce Grand Homme sans un vrai support ? De grâce qu’au détour d’une avenue, dans un parc public, figé dans du marbre et dans du granit, ou étalé sur des murailles, la jeunesse puisse continuer de rencontrer celui qui continuera de lui dire, qu’elle, cette jeunesse, du nord au sud de ce pays, de l’Adamaoua au Manengouba est, reste et demeure le fer de lance de la Nation, la vraie authentique et éternelle Voix de la Nation…

 

Chers frères et sœurs,

Peuple de Dieu,

Un baobab est tombé en pays Duala en la personne de Daniel DUMBE EYANGO, un homme d’une âme particulièrement généreuse acquise à toutes les bonnes causes.

 

Pour moi qui ai eu le privilège de suivre l’activité associative de l’homme, ce n’est pas sans une certaine appréhension que l’on peut dès maintenant envisager l’après Daniel DUMBE EYANGO pour nombre d’associations dont le défunt était plus ou moins techniquement le moteur. Les plus vulnérables seront certainement les associations de chorales dont Daniel DUMBE EYANGO était le fournisseur en musique « Made In Cameroon » actuellement en vogue.

 

Les associations traditionnelles n’en souffriront pas moins de la disparition de cet homme qui avait le don d’orienter et de clarifier les débats.

 

Que la communauté de BonaKinge de Bon’Ejang dont Daniel DUMBE EYANGO était le doyen, la famille John EYANGO et la famille maternelle de Daniel DUMBE EYANGO de Bon’Ekule Bosua Wuri veuillent bien trouver ici les condoléances douloureusement émises par ces nombreuses chorales rassemblées dans cette veillée pour la mémoire de leur Grand Maître, Daniel DUMBE EYANGO.

 

Mola, ta brillante carrière musicale t’a valu la Cravate de Commandeur de l’Ordre National de la Valeur, deux jubilés : celui de ta chère Chorale 101 et, plus récemment, celui de la CRTV,  dirigé par le Professeur et Ministre Gervais Mendo Zé, en personne.

 

Puisse notre Dieu d’Amour que tu louas jusqu’à ton dernier souffle, te réserver le plus grand jubilé qui soit : le salut de ton âme.

 

 

Dr C M E, octobre 2014

 

 

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