Quand le Minesup parle d’essais cliniques aux « docteurs » traditionnels
La concertation entre des membres du gouvernement et les promoteurs de la pharmacopée traditionnelle le 16 Juillet dernier à Yaoundé a débouché sur l’élaboration d’une « méthodologie » avec en perspective un encadrement institutionnel approprié.
« Enfin ! », « Inédit !», « Une grande première »… la presse locale a trouvé les mots justes pour qualifier la rencontre entre les promoteurs de la pharmacopée traditionnelle et les membres du gouvernement. Il n’y avait pas moins de 5 ministres présents à l’Institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinale (Impm) qui abritait l’événement à Yaoundé ce 16 juillet.
Le Minresi Madeleine Tchuinté qui coprésidait les assises avec le Minesup Jaques Fame Ndongo va décliner d’entrée de jeu le sujet de la rencontre : « examen minutieux des solutions thérapeutiques initiées sur la base des plantes médicinales afin d’en exploiter les plus pertinentes pour le protocole de soin à proposer aux malades de Covid 19. » Les membres du gouvernement ont longuement échangé avec les tradi-praticiens sur les solutions proposées par ces derniers.
Une de ces solutions bien connue du public au Cameroun est le produit de Monseigneur Samuel Kleda. L’archevêque de Douala est en première ligne dans les rangs de ceux qui ont un médicament à proposer. Son exposé met en relief ses valeurs thérapeutiques, près de 8000 malades atteints de coronavirus guéris. Peyou Ndi Samba, Victor Lipot et bien d’autres présenteront également leur traitement contre la nouvelle maladie. Traitements, jugés intéressants mais doivent être améliorés de l’avis des ministres.
Le chemin de la reconnaissance est encore long
Ces initiatives sont à encourager mais il faut passer à la phase purement scientifique, la précision est de Fame Ndongo. Scientifique, le mot à lui seul résume les points de blocage qui pourraient apparaitre ultérieurement. La phase scientifique risque d’exposer une approche méthodologique considérée comme « approximatives», pas suffisamment rationnelle pour convaincre le gouvernement et les adeptes de la médecine occidentale. Or les deux médecines fonctionnent selon des logiques différentes.
Certains opérateurs de la médecine traditionnelle ont hérité leurs savoirs de leurs ancêtres et n’ont d’arguments à faire valoir que l’efficacité de leur traitement. Vue le coût élevé des soins de santé dans les structures hospitalière classiques, cette médecine continue d’ailleurs de « bénéficier de la légitimité sociale et culturelle des communautés dans laquelle elle se déploie » affirme un anthropologue.
En prenant part aux assises de Yaoundé, les acteurs de la pharmacopée traditionnelle espéraient obtenir l’appui des pouvoirs publics pour « développer d’avantage leur médecine ». Ce n’est pas acquis, il faut passer par « la phase scientifique » avec à la clé des « essaies cliniques », Dixit Fame Ndongo. Ce préalable risque fort bien d’éloigner nos guérisseurs du front de lutte contre le Covid 19 et d’émousser leur enthousiasme, car ils ont perçu dans l’invitation à échanger avec les ministres (une première) comme une reconnaissance. Ce n’est manifestement pas encore le cas. Ils ont encore des choses à prouver
Pour l’heure, ils peuvent se contenter d’une « méthodologie » élaborée à l’issue de cette rencontre qui permettra au gouvernement de leur assurer un encadrement institutionnel approprié. Le chemin d’une reconnaissance suivie d’une implication formelle dans la lutte contre le Covid 19 est encore long.
Comments