Réagissant aux manifestations de protestation contre les destructions de Dikolo, le gouverneur du Littoral a ordonné ce 28 mai l’arrêt des travaux. Le temps de « réexaminer » le dossier.
Depuis le déclenchement de l’affaire Dikolo, il y a bientôt deux semaines, le patron de la région ne s’était pas manifesté. Le week-end dernier, dans la foulée des manifestions contre les destructions illégales et suite à la tenue de l’Assemblée générale du Ngondo consacré à cette actualité, Samuel Dieudonné Ivaha est enfin sorti. Il a tenu ce 28 mai à la salle de banquet de la région une assise à laquelle étaient conviés les médias, les chefs traditionnels, les élus, les familles des déguerpis, les élites sawa, les avocats des victimes etc.
Dans un extrait de son allocution de circonstance, il a dit comprendre la colère des victimes et appelle à un éclairage : « les casses conséquentes des maisons sur ce site pour la construction d’un édifice hôtelier ont créé un émoi certain au sein de la communauté belloise, au sein de la population de Douala, sans laisser indifférent le reste du monde… En raison de ces images choquantes aux yeux des humains ayant poussé les victimes à manifester que nous avons jugé nécessaire de faire appel à vous tous pour un éclairage de la situation ». Samuel Dieudonné Ivaha a invité en même temps les uns et les autres à s’abstenir de tenir les propos haineux vis-à-vis des autres communautés, « Nous sommes ici non pour déclencher une guerre mais pour trouver la paix ».
Ainsi, le préfet du Wouri, le porte-parole des chefs traditionnels, le porte-parole des victimes se sont exprimés sur le sujet et le principal point de convergence a été la nécessité de trouver les voies et moyens de sortie de crise. Après le recueil de tous les avis, le gouverneur a ordonné l’arrêt immédiat des travaux sur le site de Dikolo et la mise en place d’une commission ad-hoc spéciale et inclusive chargée de mener les enquêtes au cas par cas car il croit savoir que certains déguerpis de Dikolo ont été indemnisés (ceux-ci n’étaient pas surpris par la casse) tandis que d’autres, sans doute, ne l’étaient pas.
Le doute plane
C’est pourquoi la commission susmentionnée dont le rapport est attendu dans un mois va être appelée à revisiter le site de fond en comble, dit le gouverneur, à l’effet d’une revalorisation financière des déguerpis notamment ceux qui n’ont pas été dédommagés. Les membres de la dite commission sont constituées, des élites, des parlementaires, les services techniques etc. L’objectif de cette rencontre était aussi de calmer les esprits, a indiqué Samuel Dieudonné Ivaha. Reste maintenant la recherche effective de la solution à la crise. Et que dire du caractère illégal de cette destruction ? Quelle réponse la commission va apporter à cette question ?
La sortie du gouverneur ne peut être considérée comme une mauvaise idée, loin s’en faut, mais on peut questionner le timing : à quel moment le gouverneur intervient-il dans cette affaire qui a suscité tant d’émoi ? Quand la casse a déjà eu lieu. Son intervention s’apparente en effet à celle d’un médecin qui arrive après le décès du malade et s’emploie à autopsier le cadavre qui ne marchera plus ou ne parlera plus jamais quel qu’en soient ses compétences. Où était le gouverneur quand les habitants de Dikolo criaient à l’injustice et dénonçaient ce qui n’était encore qu’un projet de « déguerpissement illégal ». Pourquoi le chef de la région n’a pas cherché à écouter les Bellois qui disaient ne pas comprendre le fait qu’ils seront chassés de leurs terres au profit des intérêts privés. Pourquoi n’a-t-il pas organisé une campagne d’explication à l’intention de l’opinion.
Concrètement y a-t-il espoir que la commission ad-hoc spéciale ait la solution ? Va-t-elle pouvoir restaurer les victimes dans leurs droits (fonciers) ? On peut en douter au regard du sort généralement réservé aux commissions d’enquête au Cameroun.
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