Novembre 2020,
Deux grands africains quittent la scène
Mali : le « Soldat de la démocratie » tire sa révérence
Amadou Toumani Touré (ATT) militaire et homme d’Etat malien est décédé le 10 novembre 2020 à 72 ans à Istanbul en Turquie. Il accède au pouvoir à la suite du coup d’Etat mené en 1991 par les militaires contre le président despote Moussa Traoré, usé par de longues années à la tête du mali. Le Colonel ATT est porté par l’armée à la présidence du Comité de transition pour le salut du peuple. Il organise en 1991 (29juillet-12 août) la conférence nationale souveraine tant réclamée par les maliens. Celle-ci débouche sur l’élaboration d’une nouvelle constitution. Les premières élections de l’ère démocratique (législatives et présidentielle) organisées sous son règne en 1992 se soldent par la victoire de Alpha Omar Konaré et son parti (Adéma). Amadou Toumani Touré lui cède avec bienveillance le fauteuil présidentiel. Cela lui vaut le surnom du « Soldat de la démocratie). Le peuple apprécie.
A la fin des deux mandats de son successeur, il revient en 2002 mais sans son treillis. Il a demandé et obtenu sa retraite anticipée une année plus tôt. Désormais « homme politique », il se lance alors dans l’areine pour la présidentielle qu’il remporte haut la main avec 64, 35% contre Soumailla Cissé 35,65%. Il sera réélu en 2007 des le premier tour. Fait curieux, ATT remporte les élections à la régulière mais il n’a pas de parti politique. Il est soutenu par une pléthore de partis hétéroclites et d’associations. Sons succès au plan politique repose sur son modèle de gouvernance basé sur le « consensus ». Accusé pour sa bloquée par les députés de la nation. En décembre 2017, avec l’accord du président Ibrahim « mauvaise gestion » de la rébellion Touareg et globalement de la guerre au mali, l’ancien officier est déposé par les militaires dans la nuit du 21 au 22 mars 2012, soit un peu plus de deux mois avant la fin de son 2e mandat. Le chef des mutins dans ce nouveau putsch a pour nom Amadou Sanogo.
C’est du Sénégal où Amadou Toumani Touré vit en exil qu’il va annoncer sa démission le 8 avril 2012. En 2013, une tentative du gouvernement de le faire juger par la haute cour de justice est Boubakar Keita, il rentre au Mali après 5 ans d’exil, puis définitivement en décembre 2019. C’est au cours d’une évacuation sanitaire dans la nuit du 9 au 10 novembre vers la Turquie qu’il décède. Le nom de Amadou Toumani Touré est associé à la fois à la transition démocratique mais aussi à la tourmente sécuritaire où se toujours le mali aujourd’hui.
Le peuple malien lui a rendu un vibrant hommage alors qu’il entamait ce 17 novembre son dernier voyage. Sa mort intervient 2 mois après celle de Moussa Traoré
Ghana : Jay-Jay n’est plus, le baobab est tombé
Non loin du Mali, un autre président est tombé le 12 Novembre 2020, Jerry John Rawlings, l’un des piliers du panafricanisme, une des figures politiques africaines les plus charismatiques. Agé de 73 ans, l’ancien président du Ghana est mort de suites d’une courte maladie à l’Hôpital universitaire Korle Bu à Accra au Ghana. Ce métis né d’un père écossais et d’une mère ghanéenne, de la tribu Ewé, ami de Fidel Castro et Mouhammar Kadhafi va pour la première fois à l’assaut du pouvoir en mai 1979.
Le jeune lieutenant de l’armée de l’air qui est d’abord passé par l’académie militaire veut renverser le régime du général-président Fred Akuffo qu’il qualifie de corrompu. Il échoue et est jeté en prison. Il en sort moins d’un mois après et revient à la charge. L a deuxième tentative sera la bonne. Il s’autoproclame alors président du Conseil des forces révolutionnaires et s’assigne la mission d’assainir le pays. Il y parvient mais les dégâts sont énormes au plan humain. L’épuration passe aussi par des exécutions sommaires. Quand, à la surprise générale, il rend le pouvoir aux civils c’est pour le reprendre aussitôt.
Le 30 décembre 1981, il renverse la troisième République. A ses yeux, le président Hilla Limann et son équipe sont de mauvais gestionnaires. C’est d’une main de fer qu’il dirige le Ghana après cette deuxième prise de pouvoir : la constitution est suspendue tout comme les partis politiques. Entre temps, il se convertit au libéralisme économique et impose l’austérité à ses concitoyens. La croissance heureusement est au rendez-vous. Au début des années 90, il ne fait pas la résistance face au phénomène du Vent d’Est. Il s’adapte. Il ouvre son pays à la démocratie.
En 1992, le Ghana adopte une nouvelle constitution avec le mandat présidentielle limité à deux, la presse retrouve ses droits. Conformément à la nouvelle loi fondamentale, Jerry Rawlings, « le Révolutionnaire intègre » est deux fois candidats du Ndc (National démocratique Congrès) qu’il a fondé et deux fois élus (1992 et 1996). Après pratiquement 19 ans au pouvoir, il sort par la grande porte en 2001 et demeure le chouchou des ghanéens qu’ils appellent affectueusement « Junior Jesus » ou Jay-Jay.
L’histoire retiendra de Rawlings qu’il était présent et en bonne place à la prestation de serment de son successeur, que depuis sa retraite, le soutien apporté à son parti et à ses candidats successifs ont été sans faille et qu’enfin, il a mis son expérience au service de la paix en Afrique. Il a été envoyé spécial en 2010 de l’Union africaine en Somalie.
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