De sources proches des autorités traditionnelles à Douala, l’affaire Dikolo commence en réalité en 2005. Edouard Etondè Kotto est alors Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine. Paul Bea Nasseri est préfet du Wouri, Sa Majesté René Bell, est le chef du Canton Bell. Lors des discussions autour de la question du site de Béssèkè qui va abriter un « important projet hôtelier » et qui fait déjà l’objet d’un arrêté de Déclaration d’utilité publique (Dup), les représentants de la communauté belloise relève des vices de forme sur la Dup. Les débats prennent plus de temps et au bout de 2 ans, l’arrêté devient caduc. Le temps de validité d’une Dup étant de « 2 ans non susceptible de prorogation », dit la loi.
En 2015 le sujet est remis au gout du jour. Le Mincaf signe l’arrêté 00329/MINDCAF/SG/D1) du 17 avril déclarant d’utilité publique la construction de l’Hôtel Hilton de Douala. En 2018, la ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncière, Jacqueline Koung a Bessikè, fait le constat de la « défaillance du promoteur », Olivier Chi Nouako, dont la crédibilité commence à susciter des interrogations. Malgré le doute qu’il suscite, il a les défenseurs jusqu’au premier ministère, rapporte notre confrère de La Voix du Centre. En plus de la défaillance, le Mincaf constate aussi la caducité de l’arrêté susmentionné.
EN 2019, apparait l’arrêté 00033/MINDCAF/A010 signé le 4 mars toujours pour des besoins d’utilité publique, au même lieu, Béssèkè, par le même promoteur, Chi Nouako mais pour la construction de l’hôtel, Marriott cette fois-ci. Il ne parle plus de Hilton. Sans attendre que l’arrêté soit caduc, le Premier ministre entre en scène en 2020. Son arrêté, le N0 2020/004/PM est très spéciale. Il date du 9 janvier et concerne une superficie de 2 hectares situés au lieu-dit Béssèkè. Selon ce dernier arrêté la cause d’utilité publique est assortie de la mention « incorporation dans le domaine privé de l’État».
Cela s’appelle un passage en force qu’apparemment rien ne justifie si ce n’est une volonté de déposséder les familles de leurs biens en violant toutes les règles en matière de Dup et d’expropriation. C’est sur la base du texte du Pm que le préfet va ordonner la destruction de Dikolo. Les destructeurs passent à l’acte le 14 mai 2022. Ils n’y vont pas de main morte. La démolition est violente. Psychologiquement insoutenable. Pas de traitement particulier pour les tombes ou les sépultures qu’on croyait jusque-là sacrés et inviolables dans la tradition africaine.
Un récent communiqué du délégué département de l’art et de la culture du Wouri dit attendre la requête des sinistrés jusqu’au 1er juillet pour la mise en valeur de ces tombes, sanctuaires et autres objets de culte. Une intervention a postériori qui questionne le rôle de la commission de constat et d’évaluation. Béssèkè ou Dikolo une autre incohérence : dans tous les arrêtés signés dans le cadre de l’affaire Dikolo Béssèkè est le site qui fait l’objet de la Dup est-ce une erreur ou une erreur volontaire ? Pourquoi cibler Dikolo ? Le déguerpissement concerne une superficie de 4 ha or la Dup porte le chiffre de 2 ha, à qui profite les 2ha restants ? Sollicité pour quelques éclairages sur le sujet Sa majesté le chef du Canton Bell, Jean Yves Eboumbou a dit que le moment n’était pas indiqué, «Attendons les conclusions de la commission ad-hoc mise sur pied par le gouverneur »
Au-delà des irrégularités qui ont entaché la procédure d’expropriation à Dikolo, une question revient à toujours à l’esprit : l’Etat peut-t-il causer du tort à 63 familles (nombre de victimes) juste pour satisfaire les intérêts prétendument de Olivier Chi Nouako ? Dans l’esprit de la loi, utilité publique renvoie à un hôpital, un établissement scolaire pas un hôtel. Tout porte à croire que ce personnage est au service d’une mafia forcément, la plus active dans la prédation foncière.
Comments