Le doute plane toujours sur l’école
Premier jour de classe à Essenguè. Faible mobilisation des parents et élèves dans les écoles du coin. En cause, la perspective du déguerpissement forcé annoncée par les autorités portuaires. Reportage.
Monsieur Faustin Tchatchouam, Directeur de l’Ecole catholique Annexe Saint Jean Bosco d’Essenguè a la mine triste et l’esprit pensif ce 6 septembre 2021. Assis dans son bureau sis à l’entrée de l’établissement, il a le regard constamment tourné vers l’extérieur d’où il espère voir les parents venir assurer l’inscription, ne serait-ce que cette phase d’abord.
Ils sont rares, hélas, en ce jour de rentrée où habituellement il y a une forte affluence. Les écoliers le sont aussi. « La petite poignée qui occupe les salles de classe représente moins du cinquième de ce que nous avons eu l’année dernière à la même période», affirme le Directeur. Il dit en avoir enregistré à peine 70 dans l’ensemble de l’Etablissement dont 2 élèves au Cp, 5 à la Sil, 6 au Cm2.
Dans la cour de l’Ecole maternelle et primaire les Petits Makoa situé à un jet de pierre du carrefour, quelques bambins sautillent à travers les installations de divertissement destinées aux tout petits de la maternelle. Ici également la rentrée a un goût âcre : très peu d’inscrits. Pourtant madame le fondateur dit avoir investi beaucoup d‘argent dans l’infrastructure pour donner plus d’éclat cette année à son établissement, l’un des plus populaires à Essenguè.
A l’Ecole maternelle municipale bilingue de Douala 1er l’atmosphère est tout aussi maussade : pas de jeunes « débutants » qui pleurnichent, pas la joie des retrouvailles pour les anciens, bref pas d’effervescence en ce premier jour. Les maitresses sont néanmoins là autour de la Directrice madame R. Dalle. Il ne faut pas un scanner pour réaliser que celle-ci n’est pas dans son assiette : « j’ai envie de revoir mes enfants, je veux les revoir », confie-t-elle. Elle reste optimiste bien qu’un peu refroidie par les mauvaises nouvelles.
Essenguè source d’angoisse
Les mauvaises nouvelles c’est le rasage annoncé du quartier qui pourrait intervenir très prochainement. Resté depuis des mois sous les feux des projecteurs, Essengue est devenu une source d’angoisse pour ses résidents. Selon le Port autonome de Douala, légitime propriétaire, ils ne sont que des occupants illégaux de cette partie de la zone portuaire et doivent impérativement quitter.
Dans un communiqué ayant fait l’objet d’une large diffusion dans la presse, le Port autonome de Douala a donné jusqu’au 29 aout 2021 aux populations pour libérer les espaces occupées. Au-delà de la psychose qu’elle crée, cette situation a plongé les parents dans l’impasse. Ils sont partagés entre le risque d’inscrire les enfants ou celui de ne pas les inscrire.
La situation est particulièrement préoccupante pour les établissements scolaires. Les effectifs ont chuté. Certains enseignants sont partis « se chercher ailleurs». Quatre maitres de l’Annexe Saint Jean bosco ont demandé à être affectés, explique Faustin Tchatchouam. Il va falloir qu’ils soient remplacés et ce n’est pas simple. »
Chez les Petits Makoa, 8 enseignants sur 11 ont déménagé soutient le directeur de l’Etablissement, Kontchou Caleb qui dit avoir néanmoins la conviction que le déguerpissement forcé des populations n’est pas imminent : « l’administration ne se lève pas un matin pour prendre de telle décision ». Ses certitudes tranchent avec la méfiance des parents qui ont certes commencé à bouger dès la deuxième semaine de classe mais ne payent pas. « Sur les 14 élèves inscrit à ce jour, dit le responsable de l’école Saint jean bosco, un seul a payé la totalité de la scolarité or bientôt il va se poser le problème des dossiers »
Dans ce climat d’incertitude, les écoles anglophones sont plutôt sereines. Les classes à « The Blessing school » sont visiblement pleines et ont démarré dès le jour de la rentrée. Son directeur Raymond Geh le confirme : « nous avons bel et bien commencé les cours.»
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