Au commencement de l’affaire…
Le roi René Bell n’est plus. Il a été rappelé à Dieu un jour de novembre 2012 mais la postérité retiendra que le site de la Maison de la culture Sawa fut une de ses dernières batailles. Il la mène alors qu’il est président du Ngondo.
Le Milliardaire nigérian Ali Dangote, à l’époque, (2008) veut installer sa cimenterie à proximité de la place Elf-Serepca qui abrite les festivités du Ngondo et pourrait dans le futur se déployer jusque-là. Les Sawa, appelé à libérer les lieux sont en colère et l’exprime bruyamment. Ils veulent un autre emplacement. Sur le front de la revendication, les chefs sont en première ligne dont le président du Ngondo, Prince René Bell. S’il y a un site à prendre, soutient-il, c’est Besseke l’endroit mythique où se tenait au temps de ses ancêtres le tribunal coutumier des Duala. Il est chargé d’histoire et y aller serait comme remonter aux sources. ..
Les discussions autour du sujet s’enchainent. Un ministre de la République, à travers une opération de gré-à-gré, avait cédé en son temps la quasi-totalité des terres de Besseke aux autorités politiques et administratives, un mauvais cadeau ! Les bénéficiaires n’ont pu s’opposer à la récupération par les ayants-droits. Ils manqueront les arguments de droit pour revendiquer quoi que soit. Au nom du Ngondo, le Prince René Bell écrit au chef de l’Etat qui réagit en signant finalement le décret de rétrocession de l’espace revendiquée, près de 5000 m2.
Besseke, une petite remontée aux sources
Cette rétrocession donne lieu à la tenue d’une Assemblée très spéciale du Ngondo où la décision de construire une maison dédiée à la culture Sawa est prise. Le prince René Bell Y posera la première Pierre. Les chefs Sawa décideront également au cours d’une autre rencontre de la mise sur pied d’un comité de collecte les contributions à travers un appel de fonds. Le Ministre Aurelien Eteki Mboumoua (de regretté mémoire) en sera le président. «Un Sawa, une brique » est le slogan qui va mobiliser les membres de cette communauté autour du projet.
La Maison de la culture Sawa deviendra le sujet phare des causeries au sein du Ngondo et dans les chaumières. Elle va faire l’objet de plusieurs réunions et échanges d’idées. Des propositions fuseront de partout pour le plan, la mise en œuvre… les fonds. S’agissant des fonds, il faudra plus de 6 milliards Fcfa pour que cette maison passe de l’idée à la réalité. L’appel de fonds ne suffira pas, il va falloir encore se redéployer. Pendant qu’on y est, le président de la République se manifeste à nouveau. Sous ses recommandations, la communauté urbaine de Douala (Cud) qui est déjà très impliquée dans l’affaire va aider le Ngondo à concurrence de 2/3 du coût de l’investissement. Par la suite, elle va s’engager pour débourser 4,5 milliards et le Ngondo 1milliard et demi.
La Cud qui a à sa tête le Dr Fritz Ntone Ntone en sera le maitre d’ouvrage. Elle gère le dossier d’appel d’offre. DIK’s Business Group gagne le marché et démarre les travaux en fin 2015. Si tout se passe comme prévu la réception interviendra au mois d’octobre. C’est Roger Mbassa Ndinè, le nouveau maire de Douala qui sera là.
Ça y est !
Magnifique, majestueux, singulier, la Maison de la culture sawa à Douala est sortie de terre. Elle se dresse fièrement sur la place mythique de Besseke. La réalisation des dernières finitions s’accélère. La livraison est imminente.
L’édifice s’étale sur 1760m2, près du tiers de la superficie globale du site qui est de 5000 m2. Il a la forme d’une pirogue, un symbole fédérateur qui renvoie à des éléments naturels et culturel comme l’eau et les activités de pêche que les Sawa, peuples de l’eau et de la côte ont en partage. Félix Mbarga, le Directeur technique du constructeur Dik’s Business Group le présente comme un ensemble en 3 blocs avec d’une part le bloc central qui dispose d’une salle polyvalente modulable ( 920m2) et d’une mezzanine ( 560 m2) et d’autre part, ses deux ailes.
L’aile droite est un bâtiment de 4 niveaux. Le rez-de-chaussée et le premier étage constitués de bureaux ont la même configuration architecturale tout comme les 2e et 3e étages fait d’appartements de type T4. Chaque niveau de cette aile a 225m2. les 4 niveaux de l’aile gauche ont également la même superficie chacun : le rez-de-chaussée constitué d’un restaurant et ses accessoires , l’étage 1 et 2 abritant des salles de conférence et l’étage 3 qui est une salle d’exposition temporaire.
Avant d’accéder à l’édifice, le visiteur marque un temps d’arrêt pour admirer l’impressionnant ouvrage dans la cour avant : un lac artificiel au milieu de 2 jets d’eau. La machinerie à l’intérieur est à tout point de vu frappante, une tuyauterie connectée par des pompes avec à la clé un centralisateur , tout cela explique monsieur Mbarga pour que l’animation qui va être créée la nuit produise des effets spéciaux liés à la musique et de façon simultanée avec les jets d’eau. Sensation donc garantie !
Nos travaux peuvent être livrés au moins d’octobre 2020
Le projet de La Maison de la culture Sawa est un investissement de plus de 6 milliards FCFA. Le maitre d’ouvrage, la Communauté urbaine a déboursé les ¾ des fonds et le Ngondo a payé pour le reste. Pour sa mise en œuvre, Dik’s Business Group a raflé les deux marchés qu’il y avait à prendre. Le premier consistait en la réalisation du gros œuvre pour un temps d’exécution de 31 mois et le second marché ou marché complémentaire portant sur les finitions devrait être fait dans un délais de 12 mois. Il va connaitre cependant plusieurs ordres de suspensions qui vont avoir des incidences sur le temps initial prévu pour la réalisation des travaux. S’agissant des causes précises de ces suspensions, le directeur technique de Dik’s Business Group n’a pas souhaité s’y étendre mais a tenu néanmoins à préciser qu’aucun arrêt observé ne l’a été par le fait du constructeur, « nous faisons ce que nous devons faire, nous faisons notre part de travail. »
Démarré en fin 2015, le projet de la Maison de la culture Sawa est déjà une réalité. Le gros œuvre est terminé. Les finitions se poursuivent. Les délais seront tenus rassure Félix Mbarga : « Sur le plan contractuel, avec la mise à jour, nos travaux peuvent être livré au mois d’octobre 2020 complètement avec le marché complémentaire. Livraison théorique, dira-t-il, puisqu’ il y a des éléments qui dépendent du maitre d’ouvrage. Ils peuvent être livrés si tous les intervenants font ce qu’ils sont sensés, faire. Nous, en entreprise, sommes prêts. Le taux d’exécution est de plus de 99%. Nous allons déposer bientôt une demande pour la réception. »
Le souci majeur du chantier
La construction de la maison de la culture Sawa a connu comme tous les projets des difficultés spécifiques mais le problème majeure sera l’assainissement du site qui a accru la masse de travaux et nécessité un avenant.
Le problème majeur rencontré par Dik’s Business Group sera l’assainissement du site. Selon le directeur technique , Félix Mbarga , il s’est posé dès l’entame de la mise en œuvre du projet : « quand nous démarrons les travaux , tous les eaux qui viennent D’akwa descendaient ici en passant par le Collège Libermann, il fallait pour pouvoir travailler que le site soit d’abord assaini. Etant donné que nous sommes dans une zone marécageuse, on va faire une relecture du marché. Cela nous a valu près d’un an de débat technique à l’issue duquel on a décidé de la réalisation des ouvrages de canalisation, un surcroit de travail qui va nécessiter naturellement la révision des délais et un avenant avec incidence financière.» Cette relecture du marché invite à s’interroger sur la qualité des études préalables. Il s’agit là d’un sujet qui concerne le maitre d’ouvrage réagit le Directeur technique de Dik’s qui refuse de penser qu’elles ont été mal faites mais plutôt qu’elles n’étaient pas « sereines». Un euphémisme pour être professionnellement correct ? « Non ! Je ne connais pas le cahier de charge de ceux qui ont travaillé. Y a-t-il eu des études préalables juste pour lancer le dossier d’appel d’offre et passer à l’exécution ? Je n’en sais rien, je ne connais pas le contrat de ceux qui ont réalisé l’étude. Mais notez qu’il existe plusieurs phases d’études : les études d’Aps qui sont une étude sommaire et les études d’Apd qui sont approfondies. Il peut arriver qu’il y ait eu un cahier de charge qui ne commande de réalise que l’Aps. En ce qui nous concerne, pour exécuter les travaux, nous avons besoin des études approfondies jusqu’au dossier d’exécution, c’est à-dire très détaillé, directement prêt à la réalisation. Ce n’était pas disponible. »
Un projet pour rapprocher les peuples de la côte
Le peuple Sawa a désormais sa Maison de la culture à Douala. Une belle bâtisse, surtout un énorme potentiel à capitaliser, mais comment ?
« C’est une fierté, une grande fierté pour nous » : ainsi se résume le sentiment qu’éprouve le patriarche Samuel Epee Epee, trésorier du Ngondo quand on évoque avec lui le projet de la Maison de la culture Sawa devenu aujourd’hui une réalité. Mais au-delà de la fierté, cet édifice renforce en lui l’espoir de réaliser le rapprochement du peuple Sawa, ces gens de l’eau et de la côte que l’on retrouve sur le littoral côtier, de Manfe à Campo en passant par Nkongsamba, Nord Makombé, Tombel et autres.
Bien que ce groupe soit une illustration même de la diversité, ses composantes partagent de nombreux éléments culturels qui font d’elles un même peuple. Sur ce, Epee Epee explique : « nous avons en commun, la langue (nos langues ont beaucoup de similitudes), les habitudes alimentaires (nous connaissons quasiment tous le Ndolè), le mode vestimentaire traditionnel, (l’homme Sawa porte le pagne et la femme le Kaba) et ce n’est pas tout. Nous devons être plus proches que nous ne le sommes aujourd’hui.»
Il dit avoir la ferme conviction que la Maison de la culture va aider les Sawa à se rapprocher et à développer leur communauté. « Nous avons décidé, indique le patriarche, de la mettre à la disposition de tous ceux qui font partie de cet ensemble. Exemple, si la communauté côtière de Kribi, d’Edéa ou de Limbe arrive à Douala et veut organiser un évènement culturel, La Maison de la culture leur est ouverte. En tout cas, les Sawa y sont tous les bienvenus, je dis biens Sawa et non Duala. »
La précision a son importance en particulier dans un contexte où d’aucuns confondent volontairement Duala et Sawa et que par ailleurs les Duala sont soupçonnés de prendre trop de place au sein de l’Association traditionnelle du Ngondo, allusion à sa direction qui est l’affaire exclusive des 6 cantons Douala. Ces soupçons mettent naturellement un peu à mal l’unité des Sawa à laquelle est pourtant viscéralement attachée une partie de l’élite de ce peuple de la côte.
Samuel Epee Epee compte certainement parmi elle. L’unité, de son point de vue, est une construction permanente. Il soutient sans nuance que les incompréhensions ou malentendus au sein du Ngondo peuvent être surmontés, il y a d’ailleurs en vue une réunion où la possibilité d’élargir la direction sera sur la table de discussion. Comment va-t-on s’y prendre ? « Nous pouvons discuter et trouver d’un commun accord la plate forme de gestion sans que les statuts soient ignorés.»
Derrière le projet de la Maison de la culture, il y a aussi des objectifs économiques. « Nous travaillons aujourd’hui à revaloriser notre culture et de ce point de vue cette Maison doit être également un musée qui attire des touristes de l’intérieur comme ceux de l’extérieur. Elle doit générer de l’argent. Une partie de l’édifice fera d’ailleurs l’objet d’une exploitation commerciale (location de bureaux et appartement), » dixit Samuel Epee Epee
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