Edito

NOS CIMETIÈRES ET NOUS : Par Edouard EBELLE KOTTO

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Edouard EBELLE KOTTO : Juriste en droit immobilier Conseil immobilier Expert Foncier  et Immobilier, Expert Foncier et Immobilier près de la Cours d'Appel de Douala.

Lorsqu-s l’aube du troisième millénaire Yves rentre au pays après des décennies d’absence et de vie à l’étranger, les souvenirs d’enfance rejaillis- sent et assaillent son esprit d’une pluie d’interrogations. A Yaoundé, vallonnée et jalonnée, qui entendit son vagisse- ment, il recherchait ses repères. De Mvolyé à Etoudi, de Nvog-Ada à Nkolbisson, de Nkoldongo à Madagascar, pas un flanc de colline que son pied n’eût foulé trente années auparavant. La ville était transformée, elle s’était agrandie. Certes le centre administratif demeurait perché sur son haut plateau et les églises qu’il connut dans son enfance avaient conserve leurs emplacements. Mais ce qui manqua au tropisme de son regard, c’étaient ces petits cimetières bâtis à flancs de collines qu’il traversait avec ses amis, dans l’insouciance de l’âge, pour raccourcir les distances. Là-bas, à cet endroit, fut enterrée son amie Bekolo, foudroyée dans la rue un soir au sortir du collège, alors qu’ils courraient et jouaient sous la pluie. Comme tous les autres q_m jalonnaient la ville de leurs petites croix, ce petit cimetière avait disparu. Ici et là, sans véritable langage architectural, avaient poussés immeubles, villas chics et cases de fortune. A Douala, la situation quelque peu différente, n’était guère plus reluisante. La plupart des cimetières avaient certes survécus au développement anarchique de la ville mais se trouvaient dans un état pitoyable. Pendant qu’Yves se demandait comment était-ce possible ? Il se souvint de cette époque passée et malheureusement révolue de son enfance, pendant laquelle chaque lignage, à tour de rôle et de manière régulière, avait la responsabilité d’entretenir le cimetière du canton. Du côté communal, le cimetière ne présentait pas meilleur visage. Des monuments majestueux baignaient dans la broussaille. Allez à Ngodi-Akwa, Ndogsimbi, Bois des singes ou Njo-Njo, aucun ordonnancement et que d’espaces perdus ! En saison de pluie, la mauvaise herbe tutoie les cimes des croix et le moindre glapissement d’un oiseau vous donne le frisson. En saison sèche, des exhalations -fétides vous chatouillent les narines. Et encore faut-il implorer le ciel de retrouver la demeure de son mort. Car les tombes se retrouvent très souvent enfouies sous des tonnes de déchets déversés par les habitants des environs. Parfois des fossoyeurs véreux, par manque d’espace, ont enseveli une autre personne en lieu et place de la votre. Si ce n’est des hordes de drogués et bandits de grand chemin qui ont élu domicile dans ces espaces. Est-on à ce point tourneboulé par nos mœurs et pratiques pour que même la gestion de nos cimetières se mesure au trébuchet de considérations bassement monétaires ? Triste image qui contraste avec le faste de nos obsèques. Triste image qui dénote le peu de respect que nous accordons à nos morts. Les mânes de nos défunts doivent avoir le bourdon. Les rêveries d’Yves nous ramènent à ce triste constat d’une pratique d’aménagement urbain qui n’intègre pas la dimension urbanistique des cimetières. Il ne sert à rien d’épiloguer sur les responsabilités des uns et des autres, la 101 ayant défini le champ des compétences en la matière. « La création, l’entretien et la gestion des cimetières publics est de la compétence des communautés urbaines et les cimetières communautaires sont sous la tutelle des mairies». Or depuis une vingtaine d’années au moins, on mesure « l’abîme croissant qui sépare la législation et des pratiques laissées au libre jeu des initiatives privées, lequel est source d’incohérences, de gaspillages et de désordre dans l’utilisation des sols ». De vastes programmes d’aménagement des sols sont réalisés ici et là. De petites villes nouvelles naissent dans nos territoires, particulièrement à Douala et Yaoundé. Mais pas un seul de ces programmes n’a intégré la dimension symbolique et urbanistique des cimetières. Bonamoussadi-Kotto-Makepe ; Ahala ; Mbanga-Bakoko-Japoma ; etc … pas un seul espace aménagé ou réservé au cimetière. Un journal faisait état récemment d’une ville balnéaire sans cimetière. Cela ne semble émouvoir personne. La solution ne réside pas dans la délocalisation des cimetières dans les périphéries éloignées. Je puis affirmer que la vallée de la mort à Yaoundé, au pied de l’esplanade des ministères, conserve un charme certain avec son petit cimetière. On le doit certes à son caractère colonial ; mais qu’importe ! Partie intégrante de la cité, le cimetière doit accompagner le mouvement de la ville. Lieu de souvenir et de recueillement, le cimetière doit être aussi un lieu de vie, constituer un espace de promenade et accueillir les citoyens pour des instants de méditation. Il y a lieu de rappeler une fois encore, le rôle de la puissance publique dans l’ordonnancement et ‘utilisation des sols. Il est urgent que l’Etat, ses personnes déconcentrées, ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales recouvrent la pleine maîtrise de l’usage des sols.

Edouard EBELLE KOTTO : Juriste en droit immobilier Conseil immobilier Expert Foncier  et Immobilier, Expert Foncier et Immobilier près de la Cours d’Appel de Douala.

Le septennat du parachèvement

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