Alors que l’enveloppe consacrée au budget d’investissement public augmente progressivement en volume depuis plus d’une décennie, le niveau de consommation de ce budget décroit parallèlement d’année en année. Fait étonnant dans un pays aux besoins aussi urgents qu’énormes et où il existe des localités qui ne disposent toujours pas en 2018 des moindres services sociaux de base.
Le Budget d’investissement public (BIP) pour l’exercice 2011 était de 677 milliards de FCfa. Il est passé à 792,2 milliards de FCfa en 2012, 1246 milliards de FCfa en
2015, 1525 milliards de FCfa en 2016. Il a atteint les sommets en 2017 avec une dotation globale de 1 586 milliards de Fcfa. Les statistiques officielles indiquent que ce budget, qui ne représentait que 18% de l’enveloppe budgétaire nationale en 2010, culmine désormais à 36% depuis 2016, soit
une progression de près de 20% sur une période de 6 ans
La hausse constante des montants alloués au Bip traduit a priori la volonté du gouvernement de répondre aux besoins du Cameroun en matière d’investissement et d’améliorer par conséquent des conditions de vie des citoyens. Le faible taux d’exécution de ce budget (systématiquement en deçà des prévisions) contraste toutefois avec cette noble ambition. Au premier trimestre 2018 par exemple, le budget d’investissement public n’a été exécuté qu’à 38% contre 54% l’année précédente à la même période soit une baisse de 14 points.
On dira que l’argent collecté auprès des contribuables n’a pu être dépensé pour améliorer l’éclairage public ou débarrasser les villes des montagnes d’immondices qui s’y amoncellent. On n’a pas « réussi » à l’investir dans la construction des centres de santé pour réduire le taux de prévalence du paludisme ou des maladies diarrhéiques dans quelques-uns de ces nombreuses localités sinistrées du pays où aller à l’hôpital est une affaire de riches. Pas besoin d’avoir fait des thèses de doctorat pour comprendre que si vous disposez de la ressource pour réaliser des projets et que vous ne l’utilisez pas ou n’utilisez que très peu, vous vous retrouvez au finish, avec des projets non réalisés et des ressources non consommées. Curieusement, en votant la prochaine loi de finances, on ne dira rien des fonds non dépensés de l’exerce précédent.
« L’argent des projets abreuve les réseaux obscurs de la corruption »
Le cirque dure depuis des années : on vote le budget, on alloue à l’investissement public des moyens qui ne sont que très peu utilisés, c’est cela la sous – consommation du Bip. Elle s’observe tant au plan national qu’au niveau des collectivités locales dont beaucoup préfèrent généralement retourner les ressources (parfois plus de la moitié), plutôt que d’investir dans les projets de développement. Effaré par cette incongruité, un journaliste de la Lettre de la bourse (100e édition) soutenait avec emphase : « nous payons chaque année toujours plus d’argent. Il sert forcément à abreuver les réseaux de la corruption. Si les ressources disponibles, auxquelles il faut ajouter l’aide multilatérale, étaient dépensées pour le développement du Cameroun, le curseur de l’émergence ne serait pas à l’horizon 2035, il serait beaucoup plus proche. »
Soulignons que l’investissement public a connu une forte chute entre 2016 et 2017, passant de 15 à 6%, selon un rapport de l’Institut national de la statistique (Ins)
Curieusement, en votant la prochaine loi de finances, on ne dira rien des fonds non dépensés de l’exerce précédent.
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