Suite à une récente décision du Ministre des finances, dix-sept sociétés installées au Cameroun et opérant dans le trading sur les crypto monnaies, n’ont plus le droit d’exercer. Elles doivent cesser de mener les opérations de collecte de fonds par appel public à l’épargne.
Que leur reproche-t-on exactement?
Avant le communiqué du ministre des finances (du 29 octobre dernier), interdisant ces sociétés de cesser leurs activités, le régulateur sous régional, la Cosumaf, avait fait une sortie pour mettre en garde l’opinion contre ces acteurs qui « proposent d’investir et de faire des placements dans des produits financiers sans disposer des agréments nécessaires. » Selon le communiqué du gendarme de la bourse, il leur est reproché de s’être introduits dans le marché financier de la Cemac sans autorisation pour y offrir les produits d’investissement. Il s’agit en effet d’une infraction. Un marché financier ne s’aurait être une cour de récréation. Il est un espace délimité, sécurisé dont l’accès par les prestataires des services d’investissement est soumis à l’obtention d’un agrément délivré par le régulateur après instruction du dossier de demande d’agrément. Cette demande est valable à la fois pour la personne morale que pour le dirigeant social.
Adapter le cadre réglementaire au nouveau contexte
La mise en garde de la Cosumaf et la décision d’interdire les sociétés qui font du trading sur la crypto monnaie questionnent le timing. Pourquoi avoir sonné l’alerte au mois d’octobre 2020 alors que certaines, à l’instar de Lyyeplimal exercent depuis plus deux ans ? Par ailleurs les sociétés concernées (Académie des investisseurs africains, Global Investment Trading (GIT) Global Crypto Currencies Trading, GTX Invest Global Trusted Exchange, Sogaa Sarl, Petronpay Cameroon, Mekit Invest, Unique Finance, Fortune Investment & Wealth, Crifat, Highlife International Cameroon, Sairiu, Regel Cameroun, Cameroon Invest, Mougano Investment, Obassi Communication, Divine’s Auto Electronic et Africa’Lif) auraient-elles pu obtenir l’agrément du régulateur si elles l’avaient sollicité ? Probablement non car il apparait très clairement que le gouvernement Camerounais n’a pas les moyens ou ne s’est pas encore donné les moyens (cadre réglementaire) de suivre et de contrôler les opérations migmatiques qui se déroulent dans la cryptosphère.
Il est néanmoins conscient des risques que requièrent les crypto monnaies de déséquilibrer le système bancaire traditionnelle, des incertitudes qui entourent l’avènement de monnaie numérique et son instabilité intrinsèque liée à sa nature : « cette monnaie, soutiennent les experts, n’ a de cours légal dans aucun pays du globe, sa valeur n’est pas indexée sur le cours de l’or ni sur celle des devises classiques et elles ne sont pas non plus régulées par un organe central ou des institutions financières. Il n’y a pas de banques centrales à leurs têtes. » Comme la Cosumaf , le gouvernement Camerounais est conscient de la popularité croissante des monnaies virtuelles et du trading sur les cripto-monnaies mais aussi de ce qu’il est désormais le terreau où prospèrent les arnaqueurs, et les agents au service des réseaux terroristes et de blanchiment d’argent qui veulent échapper à tous système de contrôle. Face aux risques réels d’escroquerie d’arnaque et d’utilisation des crypto à des fins criminels, le régulateur régional a plutôt fait et continue de faire preuve d’attentisme. Il n’a pas cru bon adapter ses textes au nouveau contexte.
Ca bouge dans la cryptosphère !
Eu égard aux évolutions en cours dans le monde de la cryptos, le gouvernement n’a pas cru nécessaire de faire évoluer le cadre législatif et réglementaire. Au contraire, il aurait fermé les yeux un moment sur les activités des sociétés qu’il qualifie aujourd’hui d’illégal et faisant la collecte « illicite » des fonds par appel public à l’épargne. Le gouvernement et ces sociétés se sont certainement livrés au jeu du chat et la souris. Au lieu d’inviter après coups les promoteurs à rembourser aux victimes leur argent, le Minfi aurait dû initier une campagne d’explication à l’adresse de l’opinion et lui donner les moyens d’apprécier le trading sur la crypto. Il aurait dû informer les investisseurs qui ne sont pas des mineurs qu’il n’y a pas de trading sans risque de perte. S’il peut être un facteur de fraude, s’il peut servir dans les réseaux terroristes et de blanchiment d’argent, la monnaie virtuelle est avant tout un moyen d’échange, elle permet d’acheter des biens de consommation et de service. Dans de nombreux pays du monde, le taux de transactions réalisées en devises virtuelles est en augmentation croissante. Pour combien de temps le Cameroun et la sous région resteront en marge de ce phénomène ?
Agrément, l’indispensable outil de sécurité
Pour d’engager la procédure de demande d’agrément, les préalables en ce qui concerne la personne morale sont entre autres la garantie de l’organisation de la société requérante, ses moyens humains, financiers, techniques, l’expérience et la moralité de ses dirigeants. Elle doit en outre adopter des dispositions en vue de garantir en toutes circonstances la sécurité des opérations effectuées pour le compte de ses clients. Le dossier doit pouvoir renseigner sur le programme d’activités du requérant. Le dirigeant social est également tenu de solliciter l’agrément. Il ne doit pas avoir fait l’objet auparavant d’aucune « interdiction de gérer, de diriger ou d’administrer une entreprise ni d’aucune condamnation pour crime. » La personne morale et la personne physique in fine s’engagent à respecter leurs obligations réglementaires. L’agrément est donc une mesure sécuritaire indispensable qui permet au gendarme du marché financier d’assurer une surveillance efficace des intermédiaires et leurs activités. Conformément à ses missions, la Cosumaf doit prévenir toutes actions, omissions et manœuvres contraires à l’intérêt général du marché ou préjudiciables aux droits des épargnants.
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